Chinatown
Un bagage abandonné…
Il vient d’être découvert et le métro reste bloqué dans une petite station. La narratrice pourrait descendre et prendre le bus mais elle ne bouge pas. Son fils de douze ans endormi sur son épaule, elle se souvient. Un long monologue intérieur qui va et vient d’un évènement à un autre au hasard, semble-t-il, des réminiscences, entraine le lecteur dans les méandres de la mémoire. D’abord, on s’y perd un peu. Puis on est sous le charme de cette vie revécue intensément et on se laisse entrainer par le courant des souvenirs, des émotions, des regrets et des douleurs passées. La composition rhapsodique entrecoupée de retours en arrière et de coups d’œil sur les voyageurs du métro toujours immobile promène le lecteur de Hanoi à Léningrad et de Léningrad à Paris, au gré d’une vie emplie d’une unique passion, son amour pour Thuy, le mari chinois dont elle est séparée et qu’elle ne peut oublier. Il vit à Cholon, le Chinatown de Saigon. Vinh, leur fils, si grand déjà, incarne ce lien. Deux heures durant la narratrice reste prisonnière de ses pensées, portant le fardeau de ses souvenirs. « On attend toujours la police qui examinera le bagage abandonné. Je me demande encore s’il vaut mieux attendre d’en savoir plus. » Ici s’arrête le roman. Incisif, plein d’humour, sensible et lucide, le style de l’auteur est parfaitement servi par l’excellente traduction de Doan Cam Thi, la sœur de l’auteur, Doan Anh Thuan dite Thuan, dont c’est le deuxième roman. Ecrivain d’expression vietnamienne vivant à Paris, Thuan a reçu en 2008 le prix de l’Union des écrivains, la plus haute distinction de la littérature vietnamienne.MHL
Thuan, Chinatown, Le Seuil, Paris, 2009. 192 pages, 19 €